Sommet sur la souveraineté numérique européenne : des engagements emblématiques pour une Europe plus compétitive et souveraine.


Le Sommet sur la souveraineté numérique européenne s’est tenu à Berlin le 18 novembre. Il a réuni plus de 900 décideurs, industriels, investisseurs, chercheurs et représentants de la société civile provenant des 27 États membres de l’Union européenne (UE) et des institutions européennes.

Le Sommet a été l’occasion de présenter des mesures concrètes afin de favoriser des infrastructures et des solutions innovantes au niveau européen et de renforcer notre résilience tout en réduisant nos dépendances technologiques et en protégeant nos avoirs stratégiques. La France et l’Allemagne ont ciblé sept domaines stratégiques prometteurs pour stimuler la compétitivité européenne et bâtir la souveraineté numérique de l’UE.

– Simplification : la France et l’Allemagne réaffirment leur volonté d’élaborer un cadre réglementaire de l’UE qui soit simple, compétitif et favorable à l’innovation. En particulier, elles appellent à un moratoire de 12 mois sur les dispositions du règlement sur l’intelligence artificielle (IA) relatives aux systèmes d’IA à haut risque et elles demandent instamment à la Commission européenne d’intégrer la simplification souhaitée du règlement général sur la protection des données (RGPD) dans le train de mesure sur le numérique.

– Des marchés numériques plus justes : des conditions réglementaires justes, contestables et compétitives sont indispensables pour permettre le développement d’une offre européenne sur les marchés numériques stratégiques. La France et l’Allemagne se félicitent de la décision de la Commission européenne de lancer une enquête de marché sur la désignation qualitative des hyper-échelles en nuage.

– Souveraineté des données : la sauvegarde des données les plus sensibles et le contrôle des technologies numériques sont indispensables pour favoriser la stabilité et la croissance économiques ainsi que l’innovation en Europe. Ensemble, la France et l’Allemagne appellent la Commission européenne à définir des normes de protection extrêmement strictes pour les données les plus sensibles, notamment des normes adéquates pour protéger les données face aux risques relevant de la cybersécurité, en particulier les effets de législations extraterritoriales adoptées hors de l’UE et l’utilisation obligatoire de technologies protégeant mieux la vie privée, s’approchant au plus près du cadre européen de la cybersécurité.

– Communs numériques : la France et l’Allemagne soutiennent le développement des communs numériques en créant avec les Pays-Bas et l’Italie le consortium pour une infrastructure numérique européenne – communs numériques.

– Infrastructures numériques publiques et outils de source ouverte pour l’administration publique : la France et l’Allemagne soutiennent fermement le développement du portefeuille européen d’identité numérique qui constitue un moyen protégé, fiable et sûr d’identification numérique pour les citoyens européens et la clé de voûte de la souveraineté numérique de l’Europe. La France et l’Allemagne s’engagent également à développer l’utilisation des outils de source ouverte dans leurs administrations en s’appuyant par exemple sur le succès des produits LaSuite/OpenDesk qu’ils ont développés conjointement.

– Groupe de travail sur la souveraineté numérique : la France et l’Allemagne lancent un groupe de travail conjoint sur la souveraineté numérique européenne. Ce groupe de travail œuvrera à la définition commune de services numériques européens. Il concevra également des indicateurs de souveraineté en mettant l’accent sur des secteurs essentiels tels que les services en nuage, l’intelligence artificielle et la cybersécurité. L’objectif sera d’élaborer des mesures concrètes pour élaborer cette définition grâce à des instruments européens pertinents tels que l’aide des États à la réglementation sectorielle et le Fonds européen pour la compétitivité. Les résultats de ses travaux seront présentés lors du Conseil des ministres franco-allemand en 2026.

– Intelligence artificielle européenne d’avant-garde : la France et l’Allemagne souhaitent favoriser une innovation de rupture dans l’IA d’avant-garde. Ensemble, elles veulent créer un environnement de premier plan international pour le développement public-privé de l’IA d’avant-garde en Europe.

Le Sommet a représenté une plateforme importante de coordination et de mobilisation d’investissements du secteur privé. La France et l’Allemagne se félicitent de l’attachement à la souveraineté numérique manifesté par les entreprises technologiques européennes de pointe.

Le Chancelier allemand, Friedrich Merz, a déclaré :

« Le Sommet marque une étape importante sur la voie d’une Europe numérique plus souveraine, plus sûre et plus compétitive. Je tiens à remercier la France de travailler avec nous dans cet objectif. Pour l’Europe, la souveraineté numérique, c’est la capacité à façonner la technologie sur toute la chaîne de valeur en tenant compte des intérêts et des besoins européens. Notre objectif est la concurrence sur un pied d’égalité, sans exclure personne. En tant que communauté d’États, nous devons harmoniser en conséquence nos cadres juridiques, ainsi que nos procédures de marchés publics et d’investissements. Je tiens également à remercier les dirigeants des entreprises technologiques européennes qui ont uni leurs forces aux nôtres aujourd’hui et annoncé un large éventail de projets entres entreprises françaises et allemandes. Je me réjouis vivement de l’annonce par nos entreprises d’investissements de plus de 12 milliards d’euros dans les technologies clés. C’est là un signal important : l’Europe sera à la hauteur. »

Le Président français, Emmanuel Macron, a déclaré :

« Le Sommet sur la souveraineté numérique adresse un message clair : l’Europe a tout pour être à l’avant-garde de l’ère numérique. Aux côtés de l’Allemagne et dans le prolongement du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu à Paris au début de l’année, ce sommet apporte des progrès concrets. L’Europe redouble d’efforts pour accélérer le rythme de l’innovation européenne, maintenir une protection des données très forte et demander des conditions de marché équitables. Ce sommet symbolise également une convergence historique de nos entreprises nationales championnes de l’IA et des technologies numériques et montre que la coopération transfrontalière n’est pas seulement une aspiration, mais un impératif stratégique. Les acteurs privés et publics doivent désormais intensifier leurs efforts pour développer et adopter des technologies européennes. »

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Communiqué de presse de l’UE

Au cœur de la politique numérique européenne se trouve la souveraineté numérique. Elle désigne la capacité de l’UE et de ses États membres à agir de manière autonome et à choisir librement leurs propres solutions, tout en tirant profit de la collaboration avec des partenaires mondiaux lorsque cela est possible. Cela implique la définition et l’application d’un cadre juridique propre, conforme aux principes acceptés au niveau international.

Pour atteindre cet objectif, l’Europe doit créer des conditions renforçant la sécurité économique, la compétitivité, la résilience et la confiance, tout en préservant les valeurs démocratiques européennes dans le monde numérique. La souveraineté numérique ne signifie ni isolement ni protectionnisme, mais garantit que l’Europe puisse agir de manière indépendante et autodéterminée sur la base du droit international, de ses propres lois, de ses valeurs et de ses intérêts de sécurité, tout en promouvant la coopération internationale avec des partenaires partageant les valeurs et principes européens.

Notre vision commune de la souveraineté numérique est la capacité des États membres à réglementer leurs propres infrastructures, données et technologies numériques. Elle comprend la capacité des individus, des entreprises et des institutions en Europe à agir de manière indépendante dans le monde numérique, en permettant des décisions autonomes concernant l’utilisation, la gouvernance et le développement des systèmes numériques, sans dépendance excessive à l’égard d’acteurs externes, afin de protéger nos démocraties et nos valeurs européennes.

Nous, les signataires, déclarons notre ambition commune de renforcer la souveraineté numérique de l’Europe de manière ouverte* en tant que pierre angulaire de notre résilience économique, de notre prospérité sociale, de notre compétitivité et de notre sécurité.

Pour rendre cette ambition commune opérationnelle, les principes suivants définissent les orientations et priorités communes qui guideront notre action collective. Ils fournissent un cadre permettant de renforcer la capacité de l’Europe à agir dans la sphère numérique, tout en garantissant cohérence, équilibre et ouverture dans notre approche.

• Les efforts doivent s’appuyer sur les initiatives et cadres existants, en évitant les duplications inutiles et en garantissant une mise en œuvre cohérente dans toute l’Union. En même temps, une terminologie claire est nécessaire : la souveraineté numérique ne doit pas être mal interprétée comme du protectionnisme, mais comme une approche européenne commune renforçant notre capacité à agir librement, tout en restant en collaboration avec les marchés et les partenaires mondiaux. L’Europe doit donc rester ouverte aux partenaires mondiaux partageant les valeurs de l’UE et aux efforts de collaboration visant à continuer de bénéficier de la coopération scientifique et technologique mondiale, qui facilite un accès accru à des talents, des perspectives et des innovations plus diversifiés.

• Nos priorités doivent se concentrer sur la promotion de solutions fondées sur l’Europe, en créant un climat favorable à l’investissement et un cadre réglementaire clair, prévisible et équitable encourageant l’innovation et la compétitivité, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, mais aussi concernant le rôle stratégique que peuvent jouer les grandes entreprises dans les chaînes de valeur. Les atouts de l’Europe en matière de normalisation et d’interopérabilité doivent être exploités afin de garantir que les solutions européennes soient compétitives à l’échelle mondiale. Une participation active et stratégique de l’Europe à la normalisation internationale, permettant de faire entendre la voix des intérêts européens dans les organismes compétents, constitue un pilier important de la souveraineté numérique européenne.

• La souveraineté des données est fondamentale dans cet effort, car les données sont des ressources stratégiques lorsqu’il s’agit de souveraineté numérique. En particulier, les données les plus sensibles de l’Europe doivent bénéficier d’une protection efficace contre les ingérences extérieures indûment ou les législations extra-européennes. À cet égard, il est important d’assurer une application efficace des règles existantes, combinée au développement d’outils pratiques tels que le portefeuille d’identité numérique européen, le système technique « once-only », les espaces européens de données et les bacs à sable réglementaires.

• L’indépendance technologique de l’Europe dépend d’une vision à long terme et d’investissements dans des secteurs stratégiques tels que le calcul haute performance, les semi-conducteurs, les réseaux de communication de nouvelle génération, les infrastructures satellitaires, les technologies quantiques, la cybersécurité, le cloud et l’intelligence artificielle. Cela inclut l’encouragement des entreprises et des administrations publiques à adopter ces technologies dans leurs processus de manière sûre et responsable.

• Les financements publics ayant leurs limites, il est important de réduire les obstacles aux investissements privés dans la technologie numérique européenne et d’examiner quelles autres actions sont nécessaires pour mobiliser des capitaux suffisants. Cela peut inclure un usage ciblé des marchés publics pour soutenir la demande et la part de marché des fournisseurs européens, réduisant ainsi les dépendances stratégiques.

• Les solutions open source peuvent jouer un rôle important dans le renforcement de la souveraineté numérique, à condition qu’elles respectent des normes élevées de cybersécurité et soient complétées, lorsque nécessaire, par des technologies propriétaires fiables.

• La création de biens communs européens dans les domaines de l’intelligence artificielle, des données, des capacités cloud et des infrastructures spatiales, y compris via des partenariats public-privé et des solutions open source (sans préjudice des négociations sur le CFP), renforcera la capacité de l’Europe à protéger ses données et à garantir la sécurité des infrastructures critiques. L’analyse des initiatives existantes peut fournir une base précieuse pour identifier les forces et les champions cachés et orienter de nouvelles mesures.

• En même temps, l’Europe doit jouer un rôle proactif dans la structuration de la politique internationale en tirant parti de ses atouts afin de créer un écosystème numérique mondial dynamique. La coopération dans des domaines tels que les infrastructures numériques sûres et fiables, les technologies émergentes, la résilience des chaînes d’approvisionnement, les matières premières, la cybersécurité, les flux de données, les normes numériques et les compétences numériques est essentielle pour renforcer notre résilience économique et garantir notre pertinence dans l’ordre numérique mondial. Il est également essentiel que l’UE continue de faire entendre sa voix dans le débat sur les normes mondiales et la gouvernance des technologies émergentes et disruptives. L’objectif est de renforcer la compétitivité technologique et la souveraineté numérique de l’UE et de ses partenaires, de promouvoir les intérêts communs, le commerce et l’investissement, la recherche ou la coopération réglementaire, et d’attirer des talents dans les secteurs du numérique, de l’intelligence artificielle et de la technologie.

• Les dépendances doivent être gérées de manière stratégique, fondée sur les risques et de façon responsable : l’objectif n’est pas l’autosuffisance, qui n’est ni réaliste ni souhaitable, mais la capacité d’agir avec confiance et autonomie là où c’est le plus important, notamment en assurant une protection efficace des données les plus sensibles contre les ingérences extérieures indûes.

• Un cadre de gouvernance solide est une condition transversale essentielle pour réussir. Au lieu de créer de nouvelles structures potentiellement redondantes, nous devons nous concentrer sur l’optimisation et l’intégration de celles qui existent déjà, garantissant ainsi clarté et efficacité. La gouvernance doit renforcer la confiance, réduire la fragmentation et fournir un mécanisme transparent de prise de décision collective. Elle doit également être inclusive et adopter une approche multipartite, impliquant acteurs publics, privés, société civile et monde académique, afin d’assurer légitimité, expertise et large soutien.

• En définitive, la souveraineté numérique dépend non seulement des technologies et des infrastructures, mais également des personnes. Il est indispensable d’investir dans l’éducation et la recherche, dans les compétences numériques et l’alphabétisation numérique pour autonomiser la main-d’œuvre, les citoyens, les administrations publiques et les entreprises européennes. Sans ces éléments, les meilleurs cadres réglementaires resteront fragiles. L’apprentissage commun, la mutualisation des compétences, les stratégies pour attirer les talents étrangers et le partage des meilleures pratiques entre États membres renforceront davantage la capacité collective de l’Europe à agir. L’éducation aux médias et à l’informatique est essentielle pour accroître la compréhension de l’environnement numérique et pour apprendre à y naviguer de manière sûre ; elle doit être promue dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie afin de garantir notre résilience et notre compétitivité.

• Les technologies et infrastructures numériques offrent d’immenses opportunités pour l’innovation, la science, la prospérité et la résolution des défis sociaux, mais exposent également l’Europe à des vulnérabilités et des risques liés à la fragmentation géopolitique, aux cybermenaces et aux dépendances stratégiques. En renforçant nos atouts internes et en restant ouverts à des partenaires mondiaux fiables, il est possible d’améliorer la résilience en développant des capacités et compétences solides en cybersécurité dans toute l’UE, notamment en promouvant des solutions de cybersécurité développées en interne par des entreprises européennes innovantes, transformant ainsi ces défis en moteurs de compétitivité et de résilience.

• Des marchés équitables, efficaces, fiables et compétitifs restent une condition préalable au succès de ces initiatives et investissements. Nous devons utiliser les outils de supervision et de régulation à notre disposition sur les marchés numériques, tels que l’intelligence artificielle et le cloud, pour lever les blocages de marché et les pratiques prédatrices.

• Enfin, la souveraineté numérique concerne également la protection de la démocratie et le renforcement de la confiance au sein de nos sociétés. La diffusion de la désinformation et des deepfakes, ainsi que la forte augmentation des cyberattaques, menacent notre sécurité, l’intégrité des institutions démocratiques et la confiance des citoyens. Il est donc essentiel de renforcer l’intégrité de l’information et la cybersécurité, de créer des chaînes d’approvisionnement numériques résilientes et fiables, d’initier des dialogues inclusifs multipartites à l’échelle mondiale, d’accroître l’alphabétisation numérique et médiatique, de promouvoir un paysage médiatique (en ligne) diversifié et indépendant, et de permettre des services numériques indépendants et fiables.

Nous, les signataires, nous engageons donc à coopérer pour renforcer la souveraineté numérique de l’Europe. La présente déclaration reflète notre volonté politique commune de réduire les dépendances stratégiques, de renforcer les capacités technologiques de l’Europe, de préserver la résilience démocratique et de positionner l’Europe comme un partenaire ouvert, fiable, innovant et fondé sur des valeurs au sein de l’écosystème numérique mondial. La présente déclaration, en tant que document non juridiquement contraignant, représente un engagement politique partagé des signataires visant à renforcer la souveraineté numérique des États membres et de l’Europe et à orienter les actions futures de manière coordonnée et coopérative.